La Gen Z ne veut plus de chefs !
- Julien Nowaczyk
- 10 oct.
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 15 oct.
La Génération Z bouscule le management traditionnel
Commençons cet article par une petite anecdote personnelle … La scène se déroule en réunion d’équipe : un jeune recruté de 24 ans prend la parole et demande calmement : « Pourquoi on fait toujours comme ça ? On pourrait s’organiser autrement pour finir à l’heure, non ? ». Silence perplexe chez les managers plus expérimentés. Inimaginable il y a quelques années, ce genre d’intervention directe résume parfaitement l’état d’esprit de la nouvelle génération. L’arrivée en force des jeunes de la Génération Z, nés entre 1997 et 2010, pousse les entreprises à remettre en question leurs pratiques managériales établies. D’ici peu, ces digital natives constitueront près de la moitié des salariés dans le monde du travail. Face à eux, de nombreux dirigeants, managers oscillent entre incompréhension et remise en cause : ces jeunes seraient-ils paresseux, infidèles, irrévérencieux... ou bien en train de pointer du doigt ce qui doit changer dans nos organisations ? La dernière étude IPSOS pour le CESI (lien disponible à la fin de cet article) l’illustre : 86 % des dirigeants reconnaissent que les moins de 30 ans ont un rapport au travail très différent de leurs aînés, et 7 sur 10 admettent avoir du mal à cerner leurs aspirations profondes. Alors, qu’est-ce que la Gen Z reproche exactement au management « à l’ancienne » ?

Équilibre de vie et quête de sens : les nouveaux impératifs
Pour la Génération Z, travailler oui, mais pas à n’importe quel prix. Ces jeunes donnent la priorité à l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle et au sens dans leur travail. D’après l’enquête Ipsos pour le CESI, ils plébiscitent des conditions plus flexibles (télétravail, horaires aménagés) et un emploi aligné avec leurs valeurs – tout en ayant le sentiment que les entreprises ne comprennent pas toujours ces attentes. Contrairement aux idées reçues, ce n’est pas une génération de fainéants : 84 % des 18–28 ans affirment avoir le goût du travail et veulent s’investir professionnellement. Simplement, ils refusent de sacrifier leur santé mentale et leurs convictions sur l’autel de l’entreprise.
Quelques chiffres donnent le ton : 77 % des employeurs estiment que la Gen Z est moins disposée que ses aînés à faire des heures supplémentaires non payées ou à travailler le week-end sans compensation. Du côté des jeunes, cela se traduit par un refus de la présence pour la présence et des semaines à rallonge. Je vous partage un cas emblématique lu dans la presse il y a quelques semaine : chez EY France, les salariés – emmenés par la Gen Z majoritaire – ont organisé un référendum pour rétablir la limite de la semaine de 48 heures. Résultat sans appel : 96 % des votants (avec 40 % de participation) ont exigé la fin du temps de travail illimité instauré en 2021, qui permettait de grimper jusqu’à 70 heures hebdomadaires lors des pics d’activité. « Tout donner à l’entreprise, grimper les échelons en sacrifiant beaucoup de choses en vue de récompenses futures, ce sont des notions qui n’existent plus pour cette génération », analyse Elisabeth Soulié, anthropologue. Pour ces jeunes, le travail ne vaut que s’il respecte leur bien-être immédiat.
Surtout, la Gen Z recherche le sens et l’authenticité. Pas question de travailler sans adhérer aux valeurs de l’entreprise. Un phénomène de « démission consciente » (conscious quitting) est apparu : un salarié sur trois de moins de 30 ans a déjà quitté son poste parce que l’entreprise ne correspondait pas à ses valeurs (sociales ou environnementales). Et beaucoup se disent prêts à le faire : environ 4 jeunes sur 10 seraient prêts à démissionner si leur job ne les épanouit pas ou n’a pas de sens pour eux. Dans les cas extrêmes – qu’on va évidemment retrouver sur les réseaux sociaux (sources inépuisables de comportements grotesques) – la démesure tient lieu de norme et la raison devient presque suspecte. Certains partent en le faisant savoir haut et fort – sur LinkedIn, TikTok ou d’autres réseaux – à travers des « démissions bruyantes » (loud quitting) qui exposent publiquement les mauvais managers. Le message est clair : une entreprise qui trahit ses valeurs ou ignore le bien-être de ses employés sera sanctionnée par la fuite des talents. Encore faudrait-il que les collaborateurs concernés connaissent réellement leurs propres valeurs et celles de leur employeur !
Le poste de manager ne fait plus rêver
Autre changement radical : la Génération Z ne voue plus un culte à la promotion hiérarchique. Devenir chef d’équipe ou cadre intermédiaire ne les fait plus rêver, bien au contraire d’ailleurs ! Une étude du cabinet Robert Walters révèle que 52 % des jeunes de la Gen Z ne veulent tout simplement pas devenir managers. Parmi eux, une partie s’y résignera peut-être par obligation, mais 16 % annoncent d’ores et déjà qu’ils refuseront toute promotion d’encadrement. Ce refus délibéré du rôle de manager porte même un nom : le « conscious unbossing », tendance observée début 2024 lorsque plusieurs grands groupes américains ont supprimé des strates managériales jugées inutiles – à se demander si finalement cette Gen Z aurait vu juste en ne s’intéressant pas au management !
Pourquoi un tel désamour pour le poste de manager ? En discutant avec de jeunes collaborateurs, on entend souvent les mêmes griefs : « trop de stress pour trop peu de récompenses », burn-out en vue, réunions à répétition, et au final très peu de latitude de décision malgré le titre. Du point de vue de la Gen Z, un manager cumule les désavantages : surcharge de travail, disponibilité quasi permanente pour l’équipe, pression constante pour atteindre les objectifs… le tout sans liberté supplémentaire ni sens accru. Ces postes peuvent s’avérer écrasants et en décourager beaucoup de prendre plus de responsabilités. En somme, la ligne managériale est perçue comme une couche hiérarchique de trop. D’ailleurs, seuls 14 % des moins de 30 ans estiment que la structure hiérarchique traditionnelle reste adaptée à l’époque actuelle – alors que 89 % des employeurs y restent farouchement attachés. Le fossé des perspectives est abyssal.
Ne nous méprenons pas : ce rejet du rôle de manager ne signifie pas que ces jeunes refusent toute forme de leadership ou d’évolution. Ils aspirent à progresser, mais autrement. 72 % des Gen Z préfèrent « se débrouiller seuls pour progresser » en misant sur leur développement personnel et l’acquisition de compétences, plutôt que de compter sur la structure d’entreprise. Carrière est un mot qui les séduit moins que projet de vie. Ils veulent développer leurs compétences professionnelles et personnelles, sans sacrifier l’un à l’autre. En clair, gravir les échelons hiérarchiques pour finir épuisé à 50 ans ne les motive pas du tout.
Vers un nouveau contrat managérial
Toutes ces tendances poussent à repenser en profondeur le rôle du manager et la relation avec les équipes. Comment concilier les besoins des entreprises avec les attentes de cette nouvelle génération sans la braquer ? Bonne nouvelle : (1) LaCavO’ vous accompagne dans vos formations Management et (2) la Gen Z ne déteste pas ses managers par principe, elle attend juste qu’ils évoluent. Pour attirer, manager et fidéliser ces talents, plusieurs pistes se dessinent :
Du boss au coach : Fini le petit chef autoritaire, place au manager-coach qui épaule ses collaborateurs. La hiérarchie doit se faire plus horizontale et collaborative. D’après le cabinet Robert Walters, les entreprises auraient tout intérêt à saisir la balle du conscious unbossing au bond : faire des managers des facilitateurs, chargés de lever les obstacles et d’autonomiser leurs équipes, plutôt que des contrôleurs hiérarchiques. En valorisant l’initiative et la confiance, on répond à la soif d’autonomie des jeunes (pour lesquels l’autonomie de décision est un critère très important dans le choix d’un poste).
Un pacte relationnel personnalisé : Si on attend l’entretien de mi-année pour donner un feedback, on les perd ! Les digital natives ont grandi avec l’instantanéité et les feedbacks constants, ils attendent de même sur le plan professionnel. Un bon manager version 2025/2026, c’est celui qui instaure un suivi régulier, bienveillant et individualisé : points de contact fréquents, écoute active, mentorat. Il faut co-construire avec chaque jeune un pacte de développement où l’on clarifie ce qu’il attend de l’entreprise (formation, évolution, équilibre de vie) et ce que l’entreprise attend de lui. Cette attention personnalisée est la clé pour les engager sur la durée.
Authenticité et cohérence : Une exigence forte de la Gen Z porte sur l’alignement entre le discours et les actes. Un manager qui prône « le bien-être des équipes » mais enchaîne les réunions jusqu’à 19h, ou une entreprise qui affiche de grandes valeurs RSE sans les appliquer au quotidien, seront vite mis face à leurs contradictions. Ces jeunes n’hésitent pas à confronter leurs supérieurs si quelque chose sonne faux. Pour gagner leur respect, il n’y a pas de secret : de la transparence, de l’exemplarité et de la responsabilité. En retour, ils peuvent devenir de vrais ambassadeurs passionnés de l’entreprise si celle-ci tient ses promesses.
En conclusion, l’irruption de la Génération Z dans nos organisations agit comme un révélateur – parfois brutal – des limites de certaines pratiques managériales héritées du passé. Cette jeunesse, souvent décrite comme exigeante ou impatiente, nous force surtout à remettre l’humain, le sens et la cohérence au centre du management. Et ce n’est pas une « crise » passagère : le mouvement est là pour durer. Plutôt que de le subir, autant y voir une occasion en or de faire évoluer nos modes de management vers plus de respect, d’innovation et de sens. Comme je le souligne souvent dans les formations que je dispense avec LaCavO’ : « Cette génération nous pousse à être meilleurs, et c’est tant mieux. » Les managers qui sauront l’entendre n’en sortiront que renforcés – avec, à la clé, des équipes plus engagées et performantes. Un pari gagnant-gagnant, en somme.
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