top of page
Photo du rédacteurJulien Nowaczyk

La RSE dans la gestion de la mobilité et de la chaine d'approvisionnement

Dernière mise à jour : 21 juin 2023

Depuis quelques jours, nous apprenons que l’impact du changement climatique sur nos modes de vie serait sous-estimé et que les hausses de température attendues pour ces prochaines dizaines d’années seront plus importantes qu’initialement modélisé (étude menée par le CNRS et Météo France, publiée dans la revue EarthSystem Dynamics). Je vous propose donc une rapide actualisation sur la situation : Carbon Monitor vient de publier les émissions mondiales de CO2 sur les 8 premiers mois de 2022 – voici les trois principales données : (Source : https://carbonmonitor.org/) : +2,2 % par rapport à 2021 (près de +4% pour la France) +11,6 % par rapport à 2020 +2,9 % par rapport à 2019 (niveau pré-pandémique).



Pour rappel, nous nous sommes engagés à baisser nos émissions de CO2 de 5% par an ... Comme cet objectif semble « délicat » à atteindre, pouvons-nous avoir l’espoir d’au moins d’arrêter la croissance des émissions de cette molécule ? Cette dette reposera sur les épaules des générations présentes et à venir. Nous consommons quotidiennement de l’énergie à travers toutes nos actions / activités (transports, nourriture, logement, consommation, etc.), et la création de cette énergie émet des gaz à effet de serre qui sont envoyés dans l’atmosphère. En moyenne, un français rejette 9 à 10 tonnes de ces gaz par an. On appelle cela l’empreinte carbone. Le problème, c’est que nos émissions sont beaucoup trop importantes aujourd’hui. Pour limiter l’impact du changement climatique, il faudrait que tout le monde réduise son empreinte carbone à 2 tonnes / an d’ici 2050...

Les faits sont donc là. Sauf pour quelques négationnistes, il est impossible de nier l’évidence : la décarbonation de notre économie doit s’accélérer et nos organisations doivent surtout faire évoluer leur logiciel au risque d’aggraver une situation déjà peu reluisante !

A travers cet écrit, je vous propose de faire un focus sur les opportunités offertes aux Directions Achats pour engager (car il est dorénavant trop tard de parler d’accompagnement !) une décarbonation des activités de leur entreprise en travaillant sur la mobilité et leur chaîne d’approvisionnement.

La RSE – au cœur des stratégies Achats

Lors d’un récent diner, l’une de mes amies me racontait qu'au cours d'une soirée regroupant de nombreux professionnels de la fonction Achats, une acheteuse s’était inquiétée de voir utiliser l’acronyme RSE au cours de plusieurs discours mais sans en comprendre le sens ! En 2022, il existe encore des acheteurs ignorant ce concept ... La Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) a pour but de prendre en compte les impacts sociaux et environnementaux des activités d’une organisation. Elle s’inscrit dans une démarche globale d’amélioration continue visant à préserver les ressources naturelles et à lutter contre le réchauffement climatique. La RSE s’applique à toutes les activités d’une organisation, y compris la mobilité des collaborateurs. Intéressons- nous à la problématique « Comment la RSE impacte la mobilité de nos organisations et quels sont les outils à disposition pour réduire leur empreinte carbone ».


L’impact de la RSE sur la mobilité des organisations

Les politiques RSE souscrites par les Directions Achats engagent à décarboner leurs activités, y compris la mobilité : voyages d'affaires et déplacements des collaborateurs. Le transport est l’un des principaux émetteurs de CO2, avec plus de 23 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. En France, les voyages d’affaires représentent 10 % du trafic aérien commercial. Or, un voyage en avion aller-retour Paris-Madrid produit autant de CO2 qu’une voiture qui roulerait durant un an ! Il est donc impératif que les organisations prennent conscience des enjeux environnementaux liés aux déplacements professionnels de leurs collaborateurs et mettent en place une stratégie pour diminuer leur impact sur l’environnement. Certains outils sont mis à disposition par l'ADEME et permettent de chiffrer l'empreinte carbone de vos voyages (calculateur d'empreinte carbone, guide méthodologique...). Ces outils identifient les leviers sur lesquels agir pour diminuer cet impact. Concrètement, la décarbonation de notre mobilité suit le processus suivant :


(1) Un leadership assumé

Engager une stratégie de décarbonation de la mobilité d’une organisation ne peut se réaliser qu’avec un appui fort de la Direction Générale. Sans une volonté affirmée, les changements de nos pratiques resteront vains.

(2) Être exemplaire

Les managers ou le dirigeant, quel que soit leur rôle, leur statut ou leur niveau hiérarchique, donneront le ton à leurs collaborateurs. Un modèle d’attitudes et de comportements qu’ils essaieront de reproduire le plus fidèlement possible.

(3) Chiffrer pour comprendre

La structuration d’une nouvelle politique de mobilité doit s’appuyer sur des données fiables et objectives. L’utilisation des calculettes Carbone disponibles est une première étape permettant de fixer notre dépense Carbone actuelle et de déterminer objectivement sur quels leviers travailler à l’avenir. L'un des outils les plus populaires est l'outil Empreinte Carbone® mis à disposition par l'ADEME. Cet outil permet aux entreprises de calculer facilement et gratuitement leurs émissions de gaz à effet de serre (GES). L’analyse doit s’orienter sur l’ensemble des déplacements qui auront été cartographiés comme suit : impact Carbone des voyages d’affaires, déplacements des collaborateurs dans le cadre des activités de l’entreprise, déplacements domicile / travail des collaborateurs.

(4) Rédiger un plan d’action proposant plusieurs scénarios

Le cadre de notre consommation de Carbone (sur la mobilité) étant défini, il nous incombe de proposer une série d’actions permettant de quantifier la réduction de l’empreinte Carbone que l’organisation doit orchestrer dans le cadre de ses mobilités. Chaque scénario présenté doit donc définir les économies Carbone générées. Pour exemple : le verdissement de tout ou partie de la flotte automobile d’une organisation permettra de réduire l’impact Carbone de x tonnes de CO2 par an, le recours à une journée de télétravail par semaine permettra d’économiser y tonnes de CO2 par an, le transfert de certains déplacements « carbonés » (avions, voitures thermiques) vers le train permettra d’économiser z tonnes de CO2 par an... Les scénarios sont nombreux et doivent évidemment intégrer les contraintes de nos activités.

(5) Être ambitieux et communiquer

Ces analyses ont déjà été réalisées dans de nombreuses organisations sans pour autant engager de réels changements dans la mobilité des collaborateurs. Les freins internes sont puissants. Il est important d’avoir le courage de les affronter en assumant les évolutions managériales qui en découlent, en communicant de manière répétée sur nos ambitions et sur l’importance d’être acteur de la décarbonation de nos activités. Le courage est une valeur déterminante !

La chaîne d’approvisionnement – l’urgence d’une décarbonation !

La réduction des émissions de GES sur la mobilité de nos collaborateurs est une étape importante mais très insuffisante au regard des objectifs collectifs que le réchauffement climatique nous impose. Il est primordial de mener en parallèle (le temps nous manque !) un travail similaire sur une optimisation Carbone de l’ensemble de notre chaine d’approvisionnement. Je vous invite à jeter un œil au Guide Méthodologique élaboré par AQCOM qui fournit une approche méthodologique globale permettant aux organisations d’analyser puis de réduire leur empreinte carbone liée aux achats. Ce guide propose notamment une grille d’analyse qui peut être utilisée pour définir sa chaîne d’approvisionnement et identifier les différents postes ayant un impact sur son empreinte carbone. Les 3 scopes de l’empreinte carbone d’une organisation Lorsque nous parlons d’empreinte carbone, il est important de distinguer les différents scopes. L’empreinte carbone d’une organisation se divise en 3 scopes :

  • Scope 1 correspond aux émissions directes de l’entreprise, c’est-à-dire celles que nous pouvons contrôler directement. Cela signifie que seules les émissions qui sont une conséquence directe des activités contrôlées par l'entreprise sont comptabilisées. Cela comprend les émissions des usines, des bâtiments et des diverses installations de l'entreprise, mais pas les émissions indirectes telles que celles liées aux fournisseurs, au transport ou à la production d'énergie. L'objectif du champ d'application 1 est de fournir la mesure la plus précise des émissions de GES d'une entreprise.

  • Scope 2 correspond aux émissions indirectes liées à l'activité de l'entreprise, c’est-à-dire celles qui sont produites par des tiers. Le scope 2 est le deuxième périmètre de calcul possible lorsqu'on cherche à évaluer les émissions de gaz à effet de serre de notre organisation ou d'un produit / service. Il est légèrement plus inclusif que le scope1, qui ne comprend que les émissions directes de l'entreprise. Le scope 2 inclut les émissions « indirectes » liées à la consommation d'énergie. Son champ d'application comprend toutes les émissions de GES résultant de la consommation d'électricité, de chaleur, d'eau et de froid. Lorsqu'une organisation consomme de l'électricité, elle n'émet pas directement de gaz à effet de serre. L’objectif est de quantifier les émissions de GES inhérentes à la production de cette énergie. Exemple : selon le pays où se situe l’activité analysée, les résultats diffèreront. Pour ceux qui l’ignore encore une énergie produite par des installations nucléaires aura un impact GES beaucoup plus bas que si celle-ci est produite par des centrales à gaz ou à charbon !

  • Scope 3 correspond aux autres émissions indirectes liées à l'activité de l'entreprise, c’est-à-dire celles que nous ne pouvons pas contrôler directement. Le scope 3 est le champ le plus large pour le calcul des émissions de gaz à effet de serre. Il comprend toutes les émissions indirectes de gaz à effet de serre qui ne sont pas incluses dans les champs d'application 1 et 2. Le scope 3 offre donc une vision très large des émissions générées par une organisation ou la fabrication d'un produit ; il inclut les émissions tout au long du cycle de vie. Le scope 3 intègre les émissions liées aux fournisseurs de l'entreprise, au transport des employés et des clients, mais aussi à la chaîne d'approvisionnement, au recyclage et à la fin de vie des produits de l'entreprise. Afin d'évaluer avec précision leur impact, les entreprises doivent adopter une approche globale dans la mesure leurs émissions de scope 3. Compte tenu de la méconnaissance « globale » qu’ont les organisations de leur chaine d’approvisionnement, c’est un défi ! Mais c'est essentiel pour obtenir une image réelle de la durabilité de leurs opérations.

On réduit enfin son empreinte carbone ?

La décarbonation est un processus complexe et à multiples facettes, qui nécessite l'engagement de multiples parties prenantes tout au long de la chaîne d'approvisionnement. Pour aider les organisations dans ce processus, Global Climate Initiatives (GCI) vient de publier un guide de la décarbonation, co-écrit avec l'Observatoire des achats responsables (Obsar), l'Académie des Achats et Proactis. Le guide donne une vue d'ensemble des questions et des défis liés à la décarbonation, et offre des conseils pratiques sur la façon d'élaborer et de mettre en œuvre des stratégies de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ce guide apporte une aide aux organisations en leur permettant de s'orienter dans le paysage complexe de la décarbonation et de prendre des décisions éclairées sur la manière de réduire leur impact environnemental.

Ingénieur et chef de projet de Global Climate Initiative (GCI), Bastien Lamouche précise que « le scope 3 regroupe en général 50 à 90 % des émissions de GES d'une entreprise et les achats génèrent entre 60 et 90 % des émissions de GES du scope 3". A date, nous avons pleinement conscience que les Directions Achats sont dans l’incapacité d’avoir une maîtrise totale de ce Scope. En revanche, il est nécessaire de rappeler que l’urgence de notre situation collective doit nous imposer de peser enfin le poids de nos actions et ambitions sur cette chaine d’approvisionnement.

L’Obsar a défini une approche pour calculer le coût d'un achat qui inclut non seulement le prix, mais aussi le coût total de possession, les coûts du cycle de vie et tous les coûts et impacts du cycle de vie. « La mesure des émissions de GES de scope 3 est parfaitement adaptée à cette méthode », déclare Annie Sorel, vice-présidente d'Obsar. Cette approche holistique de la comptabilité analytique peut aider les entreprises à prendre des décisions plus éclairées concernant leurs achats et, en fin de compte, à réduire leurs émissions de GES.

Conscientes de la nécessité de réduire leur impact environnemental, beaucoup d’entreprises commencent à s’inscrire dans une démarche active vis-à-vis de la connaissance et de la mesure des activités intégrées au Scope 3. La question du changement climatique a obligé les entreprises à réévaluer leur impact sur l'environnement. En conséquence, une nouvelle notion de «compétitivité carbone » est apparue, qui prend en compte l'empreinte environnementale d'une organisation en plus de ses mesures traditionnelles de qualité, de coût et de délai de livraison. Cette évolution aura un impact majeur sur la manière dont les décisions d'achat seront prises, les entreprises s'efforçant de s'imposer comme des leaders en matière de pratiques durables. Ce nouveau paradigme continuera d'évoluer à mesure que les préoccupations environnementales deviendront encore plus pressantes. Fort est de constater que le concept de compétitivité carbone n'en est qu'à ses débuts. Espérons qu’il s’imposera rapidement dans nos organisations et qu’il devienne l’élément différenciant. Est-ce utile de rappeler l’urgence de la situation ?

Comentarios


bottom of page