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Trumpisme et négociation : de la disruption initiale à une radicalisation des pratiques

Photo du rédacteur: Julien NowaczykJulien Nowaczyk

L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis en 2016 a marqué un tournant décisif, non seulement pour la politique mondiale, mais aussi pour les dynamiques de pouvoir et les pratiques de négociation. Son style unique, mêlant audace, rapport de force et provocation, a bousculé les normes établies. Ce phénomène, souvent désigné sous le nom de "trumpisme", a introduit de nouvelles méthodes de négociation, parfois brutales, qui ont influencé les pratiques des entreprises.

Aujourd'hui, le "nouveau trumpisme" va encore plus loin : plus virulent, polarisant et centré sur l’image et la confrontation directe. Cet article explore ces deux phases du trumpisme et leurs répercussions sur les relations et négociations dans le monde professionnel.

 




1. Le trumpisme initial : une disruption des codes de négociation


Lors de son mandat, Donald Trump a incarné un style de négociation disruptif. Sa méthode reposait sur plusieurs principes clés :

  • La quête de résultats immédiats : Peu intéressé par la construction de solutions à long terme, il cherchait des accords spectaculaires et rapides.

  • La surenchère et la menace : Trump utilisait systématiquement la provocation et l’escalade (exemple : la guerre commerciale avec la Chine).

  • Une approche personnalisée : Privilégiant des relations bilatérales, il contournait souvent les cadres institutionnels, comme les organisations internationales.


La politique est le reflet d’une société. A ce titre, nous aurions pu imaginer que ces postures aient les impacts suivants dans le mode de fonctionnement de nos organisations :

  • Des négociations agressives : Les entreprises auraient pu être influencées par cette recherche de gains rapides, notamment au sein des Directions Achats et des relations fournisseurs. Des pratiques telles que l’imposition de clauses unilatérales ou des délais de paiement très longs seraient devenues plus courantes.

  • Personnalisation accrue : Le rôle des individus dans les négociations se serait renforcé. Les entreprises auraient valorisé les profils capables de créer des relations personnalisées et de défendre fermement leurs positions, parfois au détriment des processus collectifs.

  • Tensions relationnelles : Le recours excessif au rapport de force aurait fragilisé les relations commerciales à long terme, augmentant les risques de ruptures contractuelles ou de conflits juridiques.


Fort heureusement, nos organisations et leurs collaborateurs n’ont pas souscrit à cette idéologie et ont su – majoritairement – éviter d’inscrire ces pratiques dans leur processus de négociation.


2. Le "nouveau trumpisme" : un style encore plus radical


Depuis la fin de sa présidence, Trump a intensifié son style et ses stratégies. Ce "nouveau trumpisme" repose sur :

  • Une polarisation exacerbée : Les positions deviennent encore plus tranchées, laissant peu de place au compromis.

  • Une agressivité décomplexée : Les menaces et ultimatums ne sont plus seulement des outils, mais des armes permanentes dans les négociations.

  • La défiance généralisée : Le respect des règles ou des cadres établis est souvent ignoré, ce qui crée un climat d’incertitude.

  • La manipulation médiatique : L’usage des réseaux sociaux et des annonces publiques devient une stratégie pour influencer les négociations.


Contrairement à la période « Trump 1 » où nos organisations ont su éviter de calquer leurs méthodes de négociation sur celles du Président Trump, nous pouvons émettre des doutes sur leur capacité à ne pas faire évoluer leurs postures de négociation. Je vous propose de nous projeter sur l’impact du "nouveau trumpisme" sur les futures négociations menées au sein de nos organisations :

  • Rigidité et blocages : Les entreprises, influencées par cette polarisation, constatent des positions plus inflexibles dans les négociations. Les compromis deviennent rares, et les discussions s’éternisent.

  • Relations commerciales sous tension : L’agressivité accrue fragilise les partenariats. Les fournisseurs ou partenaires se sentent exploités, ce qui nuit à la confiance et à la coopération. Ces tensions auraient par exemple comme conséquences d’augmenter les coûts cachés (ex. : litiges, retards, pénalités).

  • Explosion des pratiques coercitives : Certaines entreprises adoptent des méthodes basées sur la menace, comme la remise en cause de contrats ou des pressions tarifaires extrêmes. Une entreprise imposerait à ses sous-traitants une baisse de prix sous peine d'exclusion, ce qui pourrait provoquer des ruptures dans la chaîne d’approvisionnement.

  • Sur-médiatisation des conflits : Inspirées par les tactiques de Trump, certaines entreprises utilisent la communication publique pour influer sur leurs partenaires. Exemple : une société peut annoncer publiquement qu’elle envisage de travailler avec d’autres fournisseurs pour mettre la pression sur un partenaire actuel.

 

3. Des enseignements pour les entreprises : entre risques et opportunités


Le trumpisme, dans ses deux formes, offre des enseignements précieux pour les entreprises, mais il impose également de comprendre ses limites.

 

A mon sens, voici quelques opportunités à retenir :

  • Maîtriser son rapport de force : Le trumpisme a montré l’importance de comprendre ses atouts et de savoir les utiliser pour défendre ses intérêts.

  • Valoriser les individus : Une négociation réussie repose souvent sur des relations interpersonnelles solides. Les entreprises doivent investir dans la formation des négociateurs pour développer des compétences clés comme l’assertivité et l’empathie.

  • L'importance de la communication stratégique : L'utilisation des médias et de l'image peut être un levier puissant, à condition qu'elle soit éthique et bien maîtrisée.


En revanche, il convient de garder à l’esprit que de nombreux risques seront à éviter :

  • Éviter l’escalade inutile : Une approche trop agressive peut conduire à des conflits coûteux, voire à une perte d’opportunités. La collaboration est essentielle pour construire des relations durables.

  • Ne pas ignorer les règles : Si la flexibilité est importante, le respect des cadres juridiques et des engagements est crucial pour préserver la crédibilité et la confiance des partenaires.

  • Gérer la polarisation : Les entreprises doivent développer des stratégies pour surmonter les positions rigides et ramener les discussions sur un terrain coopératif.

 

4. Vers un modèle hybride : assertivité et collaboration


Le trumpisme et son évolution plus radicale ont mis en évidence l’efficacité d’une posture assertive et d’un rapport de force maîtrisé. Cependant, ces pratiques montrent aussi leurs limites, notamment lorsqu’elles nuisent à la pérennité des relations ou créent un climat de défiance. Les entreprises doivent donc adopter un modèle hybride, combinant fermeté et collaboration, pour répondre à la complexité des environnements actuels.


(1)   Dans le cadre de négociations tendues : savoir afficher sa force sans écraser l’autre. Les négociations tendues, marquées par des désaccords forts ou des enjeux critiques, nécessitent une approche équilibrée entre affirmation de soi et respect de l’autre partie.


(2)   Affirmer ses priorités stratégiques : Une entreprise doit clairement définir et exprimer ses objectifs avant d’entrer en négociation, en identifiant ses leviers de pouvoir (position dominante, rareté de son offre, qualité supérieure, etc.). Exemple : Une entreprise industrielle peut imposer des exigences de qualité à ses fournisseurs tout en s’assurant que ces derniers disposent de délais réalistes pour s’y conformer.


(3)   Gérer le rapport de force avec tact : Afficher sa force ne signifie pas écraser l’autre. Il s’agit de valoriser ses atouts tout en laissant de la place à une discussion constructive. Cela implique de fixer des limites claires tout en montrant une ouverture au dialogue. Exemple : Un négociateur peut indiquer qu’il a d’autres options viables (renforcement de son rapport de force) mais qu’il privilégie un accord avec le partenaire actuel pour des raisons stratégiques, envoyant ainsi un signal positif.


(4)   L’écoute pour désamorcer les tensions : Dans des situations tendues, l’écoute active est un outil essentiel. Comprendre les besoins sous-jacents de l’autre partie peut révéler des opportunités de compromis. Exemple : Une équipe d’achats confrontée à des fournisseurs mécontents peut organiser des ateliers de discussion pour identifier les sources des tensions et trouver des solutions collaboratives.


(5)   Dans les relations à long terme : miser sur la transparence et la confiance mutuelle. Les relations commerciales ou stratégiques à long terme exigent un niveau de confiance et de coopération élevé, incompatible avec des pratiques trop agressives.


(6)   Construire des bases solides dès le départ : La transparence dans les attentes, les coûts et les bénéfices est un élément clé. Une négociation initiale claire, avec des objectifs partagés, peut prévenir des conflits ultérieurs. Exemple : Une entreprise de services qui négocie un contrat pluriannuel peut inclure des clauses d’ajustement périodiques pour s’adapter à l’évolution des besoins ou des coûts, rassurant ainsi son partenaire.


(7)   Valoriser la co-création et l’innovation commune : Plutôt que de tout orienter vers un rapport de force, les entreprises peuvent explorer des modèles de collaboration où les deux parties travaillent à une amélioration continue. Exemple : Dans un partenariat technologique, deux entreprises peuvent partager leurs données ou leurs compétences pour développer un produit innovant, avec des gains mutuels.


(8)   Renforcer la relation au-delà du contrat : Les entreprises qui investissent dans des relations humaines avec leurs partenaires – par des rencontres régulières ou des événements collaboratifs – construisent une confiance durable. Exemple : Une entreprise peut organiser un séminaire annuel avec ses fournisseurs clés pour partager sa stratégie et aligner les objectifs.


(9)   Dans la gestion des conflits : utiliser la médiation et la créativité pour dépasser les blocages. Les conflits sont inévitables dans les négociations, mais ils ne doivent pas devenir des impasses. Une approche hybride met l’accent sur des outils et des stratégies permettant de résoudre les désaccords de manière constructive.

 

Trouver ce nouveau point d’équilibre passera par une maitrise de principes et de compétences clés :

  • Assertivité maîtrisée : Savoir se positionner fermement sans adopter une posture dominatrice ou conflictuelle.

  • Écoute et compréhension mutuelle : Identifier les véritables besoins et motivations de chaque partie pour trouver des terrains d’entente.

  • Recherche de solutions gagnant-gagnant : Adopter une posture collaborative pour maximiser les bénéfices mutuels.

  • Flexibilité et adaptabilité : Ajuster les approches en fonction du contexte, du rapport de force et des enjeux à long terme.

  • Investissement dans la relation : Considérer les négociations comme le point de départ d’une relation durable, et non comme une transaction ponctuelle.

 

L’héritage du trumpisme, dans sa version initiale et surtout dans son évolution radicale, a profondément influencé les pratiques de négociation, tant au niveau politique qu’économique. Les entreprises en ont tiré des leçons variées, mais elles doivent veiller à ne pas tomber dans les excès d’un style trop conflictuel ou polarisant.

Le défi pour les négociateurs d’aujourd’hui est de s’inspirer de la force et de l’audace du trumpisme tout en cultivant des pratiques éthiques et durables, adaptées à un monde globalisé où la collaboration reste un levier clé de réussite.

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